Le bilan de compétences est aujourd'hui un outil central dans la gestion des carrières professionnelles en France, mais son existence et ses modalités sont le fruit d'une lente construction juridique. Ancré dans le Code du travail, il a connu des évolutions majeures depuis sa création officielle par la loi du 31 décembre 1991. Cet historique a été jalonné par des réformes successives, notamment la loi "Avenir professionnel" de 2018, qui ont profondément modifié son accès, son financement et sa place dans le paysage de la formation professionnelle.
Les prémices du bilan de compétences : l'avant-1991
Avant son institutionnalisation, l'idée de faire le point sur sa carrière émerge dans les années 1980. Le contexte économique et social pousse à la réflexion sur la mobilité et la reconversion professionnelles. Des expérimentations voient le jour, notamment avec la création des Centres Interinstitutionnels de Bilan de Compétences (CIBC) dès 1986. Ces structures pionnières avaient pour but d'aider les salariés et demandeurs d'emploi à analyser leurs compétences pour construire un projet professionnel réaliste, posant ainsi les fondations de la future législation.
L'acte de naissance : La loi du 31 décembre 1991
Le tournant majeur intervient avec la loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l'emploi. Ce texte fondateur inscrit le bilan de compétences dans le Code du travail, le définissant comme un droit pour les salariés. L'objectif était clair : permettre à tout travailleur, de sa propre initiative, d'analyser ses compétences professionnelles et personnelles ainsi que ses aptitudes et motivations. Cette démarche devait l'aider à définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation. C'est véritablement la loi de 1991 qui a créé le droit au bilan de compétences tel que nous le connaissons dans ses principes fondamentaux.
Les caractéristiques initiales :
- Initiative du salarié : Le bilan ne peut être imposé par l'employeur.
- Confidentialité : Les résultats sont la seule propriété du bénéficiaire.
- Cadre tripartite : La démarche implique le bénéficiaire, l'organisme prestataire et l'entreprise (ou un organisme financeur).
Les réformes et consolidations (2004-2014)
Au fil des ans, le législateur a cherché à renforcer et à adapter le dispositif. La loi du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie a consolidé sa place. Plus tard, la loi du 5 mars 2014 a marqué une étape importante en rendant le bilan de compétences éligible au Compte Personnel de Formation (CPF), qui venait de remplacer le Droit Individuel à la Formation (DIF). Cette intégration a facilité son financement et a accru sa visibilité auprès des actifs.
Le tournant de la libéralisation : La loi "Avenir professionnel" de 2018
La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a profondément remodelé l'écosystème de la formation. Pour le bilan de compétences, les changements sont structurels. La monétisation du CPF (passage d'un décompte en heures à un décompte en euros) et la création de l'application "Mon Compte Formation" ont simplifié et démocratisé l'accès au dispositif. En supprimant le rôle de validation des OPCA (devenus OPCO), la réforme Avenir de 2018 a contribué à la libéralisation du marché, permettant à chaque individu de mobiliser ses droits pour financer un bilan auprès de l'organisme de son choix, à condition que celui-ci soit certifié Qualiopi.
Le paysage juridique contemporain
Aujourd'hui, l'historique du bilan de compétences montre une évolution d'un droit social encadré vers un outil de développement personnel et professionnel plus accessible et individualisé. Comprendre la définition juridique et le cadre légal actuels est essentiel pour toute personne envisageant cette démarche. Le Code du travail continue de préciser ce que dit la loi sur ses conditions de réalisation, sa durée et sa confidentialité. Cette réglementation soulève également la question de la nature juridique précise d'une telle prestation, à la croisée du conseil et de la formation.