Dans le cadre d'une démarche de bilan de compétences, il est fréquent de rencontrer des personnes en situation de mal-être professionnel. Il est alors essentiel de distinguer clairement la souffrance au travail, liée à un contexte et à des conditions spécifiques, d'une pathologie psychiatrique, qui relève du champ médical. Cet article clarifie ces deux notions, définit le rôle et les limites du bilan de compétences, et souligne l'importance d'une orientation adéquate lorsque la situation l'exige. Le bilan explore les facteurs professionnels à l'origine d'un mal-être, mais ne peut en aucun cas se substituer à un diagnostic ou à un traitement médical.
Comprendre la souffrance au travail
Une réaction à un environnement
La souffrance au travail n'est pas une maladie en soi, mais un état de mal-être psychologique et/ou physique causé par les conditions de travail. Elle peut se manifester sous diverses formes : stress chronique, épuisement professionnel (burn-out), perte de sens, conflits, harcèlement... Selon l' Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), ces risques psychosociaux (RPS) sont à l'interface de l'individu et de sa situation de travail. La souffrance est donc une conséquence, une réaction à un environnement professionnel devenu délétère pour l'individu.
Le rôle de l'analyse contextuelle
Le bilan de compétences intervient ici comme un outil d'analyse. Il permet à la personne de prendre du recul pour identifier objectivement les facteurs qui génèrent cette souffrance : inadéquation des missions, manque de reconnaissance, surcharge de travail, conflits de valeurs, etc. L'objectif est de comprendre les mécanismes professionnels en jeu pour envisager des solutions concrètes (mobilité interne, réorientation, formation...).
Identifier une pathologie psychiatrique
Une définition médicale précise
À l'inverse de la souffrance au travail, une pathologie psychiatrique (ou trouble mental) est une affection médicale qui répond à des critères diagnostiques stricts, définis dans des classifications internationales comme le DSM-5 ou la CIM-11 de l'OMS. On y retrouve par exemple :
- Le trouble dépressif caractérisé
- Les troubles anxieux (anxiété généralisée, trouble panique...)
- Le trouble de stress post-traumatique (TSPT)
Le diagnostic ne peut être posé que par un professionnel de santé qualifié (médecin, psychiatre). Le consultant en bilan de compétences n'a ni la formation, ni le droit d'établir un tel diagnostic.
Le bilan de compétences : clarifier sans traiter
Un cadre d'intervention centré sur le professionnel
Le bilan de compétences est un dispositif encadré par le Code du Travail. Sa finalité est d'analyser les compétences professionnelles et personnelles, ainsi que les aptitudes et les motivations, en vue de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation. Son champ d'action est donc le travail et l'évolution de carrière.
Même si le mal-être est abordé, il l'est toujours sous l'angle de son interaction avec la sphère professionnelle. Le bilan permet de démêler ce qui relève de l'environnement de travail de ce qui pourrait nécessiter un autre type d'accompagnement, aidant à mieux cerner la distinction entre un besoin de réorientation et une démarche de soin.
La posture éthique du consultant
Le rôle du consultant est d'accompagner la réflexion professionnelle. S'il perçoit des signes de détresse psychologique qui semblent dépasser le cadre d'une souffrance réactionnelle (symptômes persistants, discours alarmant, idées noires...), son devoir éthique et déontologique est d'orienter la personne. Il doit l'encourager à consulter son médecin traitant, un psychologue ou un service de santé au travail. Ne pas le faire serait une faute professionnelle. Il est crucial de comprendre que le bilan de compétences n'est pas un outil thérapeutique pour le burn-out ou d'autres affections, même si elles sont d'origine professionnelle.
Quand les deux réalités se croisent
Il est fréquent qu'une souffrance au travail intense et prolongée puisse déclencher ou aggraver une pathologie, comme une dépression. Dans ce cas, les deux dimensions sont intriquées. Un bilan de compétences peut-il alors être envisagé ? Oui, mais pas à n'importe quel moment. Il est souvent recommandé que la personne soit d'abord prise en charge sur le plan médical pour stabiliser son état de santé. Une fois stabilisée, la démarche de bilan peut commencer. Elle devient alors un levier puissant pour construire un avenir professionnel plus serein et aligné, en évitant de reproduire les schémas qui ont mené à la souffrance. Le bilan aide à préparer "l'après", en s'assurant que le futur projet soit protecteur pour la santé mentale de la personne.