La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite "Loi Avenir", a marqué un tournant décisif pour le secteur de la formation professionnelle en France, et plus particulièrement pour le bilan de compétences. En plaçant l'individu au cœur du système, cette réforme a instauré une véritable libéralisation du marché. Ses impacts majeurs sont la monétisation du Compte Personnel de Formation (CPF), la suppression des intermédiaires historiques comme les OPACIF, et la mise en place d'un accès direct et simplifié aux prestations pour tous les actifs.
Le cadre du bilan de compétences avant la loi Avenir
Pour saisir l'ampleur de la réforme, il est essentiel de comprendre le fonctionnement antérieur. Le système reposait sur un financement en heures accumulées sur le CPF et une validation souvent nécessaire par des organismes tiers, les OPACIF (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés au titre du Congé Individuel de Formation). Le parcours pour faire financer un bilan de compétences était souvent complexe, impliquant la constitution de dossiers et l'approbation d'un financeur. Ce modèle, bien que structuré, pouvait être perçu comme un frein à l'initiative individuelle. Il s'inscrivait dans un long historique de l'évolution législative du bilan de compétences, dont les fondations avaient été posées par la loi fondatrice de 1991 instituant ce droit.
Les changements majeurs apportés par la réforme de 2018
La loi Avenir a rebattu les cartes en introduisant plusieurs modifications structurelles profondes.
La monétisation du Compte Personnel de Formation (CPF)
Le changement le plus emblématique est le passage d'un compte crédité en heures à un compte en euros. Depuis le 1er janvier 2019, le CPF est alimenté à hauteur de 500 € par an pour un salarié à temps plein (plafonné à 5 000 €), et 800 € pour les salariés non qualifiés et les personnes en situation de handicap (plafonné à 8 000 €). Cette monétisation rend le droit à la formation plus concret et transparent, transformant l'individu en un véritable acheteur de formation, capable de comparer les offres et d'utiliser ses droits en toute autonomie.
La suppression des OPACIF et un accès direct
La loi a entraîné la disparition des OPACIF, qui agissaient comme filtres et prescripteurs. Désormais, chaque actif peut mobiliser son CPF directement via la plateforme numérique Mon Compte Formation. Il peut y consulter ses droits, rechercher un organisme proposant des bilans de compétences, comparer les offres, s'inscrire et payer la prestation en ligne, sans avoir besoin de l'accord de son employeur (si le bilan est réalisé hors temps de travail) ou d'un organisme tiers. Le rôle de conseil et de financement est maintenant plus décentralisé et directement géré par l'individu.
Conséquences de la libéralisation du marché
Pour les individus : autonomie et responsabilité
Cette réforme confère une liberté inédite aux individus. Ils ne sont plus de simples bénéficiaires d'un système, mais des acteurs de leur propre parcours professionnel. Cette autonomie s'accompagne d'une responsabilité accrue : celle de bien choisir son prestataire parmi une offre devenue pléthorique. Ce changement de paradigme illustre parfaitement le passage d'une logique de prescription à celle de client avisé, qui doit évaluer la qualité et la pertinence de l'accompagnement proposé.
Pour les organismes : concurrence et exigence de qualité
L'ouverture du marché a provoqué une augmentation significative du nombre d'organismes proposant des bilans de compétences. Pour réguler ce secteur et garantir un niveau de qualité minimal, l'État a rendu obligatoire la certification Qualiopi. Depuis le 1er janvier 2022, seuls les organismes détenteurs de cette certification peuvent proposer des prestations éligibles au financement par le CPF. Ce label, basé sur un référentiel national qualité, est devenu un critère de sélection essentiel pour les individus souhaitant s'assurer du sérieux et du professionnalisme de leur futur accompagnateur.